XVIIe-XVIIIe siècles :
IMAGE ET RAISON

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L’époque moderne est caractérisée par la confrontation du rationalisme et de l’imagination, dans la quête de la vérité.

Afin de compléter les annales que vous pouvez consulter à tout moment depuis la rubrique SE PREPARER, nous vous proposons un recueil de citations qui complétera vos cours pour l’épreuve de culture générale sur le thème d’aimer.

Ce recueil de citations ne présume en rien des sujets du concours 2025 à venir.

Descartes, Les Règles pour la direction de l’esprit, « Règle XII » (1628)

« L’entendement seul est capable de percevoir la vérité ; mais il doit être aidé cependant par l’imagination, les sens et la mémoire, afin que nous ne laissions de côté aucune de nos facultés. »

Commentaire : Le père du rationalisme donne une place importante à l’image, qu’il place au service de la raison. Elle permet de représenter de manière conforme les idées conçues par l’entendement, en tout cas les idées qui sont rapportées au corps.  Ainsi tout ce qui se rapporte à l’étendue, la « res extensa » peut être représenté par l’image.

Descartes, Dioptrique, Discours quatrième (1637)

« Un voyant marchant de nuit sans flambeaux par des lieux un peu difficiles. »

Commentaire : Voici une image utilisée par Descartes dans ce traité d’optique pour faire comprendre à son lecteur la nature de la lumière. Cela montre que pour lui l’image symbolique vue par l’esprit est plus distincte que la perception. Donc pour que l’imagination fonctionne, il faut qu’elle ne ressemble pas à la réalité perçue.

Pascal, Pensées, 82 (1670)

« C’est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vérité si elle l’était infaillible du mensonge. »

Commentaire : Le célèbre moraliste décrit ici l’imagination comme une source de confusion pour l’homme. L’image, produite par l’imagination est donc aussi peu fiable. 

Pascal, Trois discours sur la condition des grands (1670)

« Pour entrer dans la connaissance de votre véritable condition, considérez-la par cette image : un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s’était perdu ; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui.  »

Commentaire : Pascal propose une parabole pour présenter au jeune fils du duc de Luynes une image véritable de la grandeur du gouvernant. La condition de roi ne provient que d’une image, c’est elle que le peuple admire. Mais le moraliste met en garde son interlocuteur contre le narcissisme qui pourrait en découler.

Locke, Essai sur l’entendement humain (1689)

« Nos idées ne sont pas de véritables images ou ressemblances de quelque chose d’inhérent dans le sujet qui les produit. »

Commentaire : Pour le philosophe empiriste, la perception est la source de nos idées. Il distingue les idées simples, qui sont le matériau de toute connaissances et mélangent des perceptions et les idées complexes, qui sont une combinaison d’idées simples. Les idées simples sont produites par les choses existantes hors de nous.

Montesquieu, Lettres persanes (1734)

«  La propreté est l’image de la netteté de l’âme. »

Commentaire : La célèbre phrase de Montesquieu correspond à une préoccupation nouvelle de son époque, celle de l’hygiène. Elle relie l’intériorité cachée de l’être humain et son aspect extérieur, l’âme et l’enveloppe extérieure du corps, comme le faisait l’adage antique « mens sana in corpore sano. » Le terme d’image implique un reflet, une étroite correspondance entre la forme du corps et l’âme. En fait, selon l’étymologie « psyche », l’âme désignait dans l’antiquité une forme qui reprenait les contours du corps.

David Hume, Enquête sur l’entendement humain (1748)

« L’esprit est une sorte de théâtre où des perceptions diverses font successivement leur entrée, passent, repassent, s’esquivent et se mêlent en une infinité de positions et de situations. »

Commentaire : L’empiriste Hume remet en question par scepticisme le fait que l’image soit source de connaissance. En effet, le lien, entre les idées est opéré sous l’effet de l’habitude et non de la nécessité. L’image ne renvoie pas au savoir et pourtant c’est par elles que nous donnons au monde une certaine stabilité.

D’Alembert, Discours préliminaire de l’Encyclopédie (1751)

« Le peu d’habitude qu’on a et décrire et de lire des écrits sur les arts rend les choses difficiles à expliquer d’une manière intelligible. De là naît le besoin de figures. »

Commentaire : L’auteur justifie dans ce discours le projet monumental de l’Encyclopédie. Il reconnaît dans cet extrait la valeur pédagogique de l’image. En effet, celle-ci est capable de dire beaucoup, de parler à l’intelligence du lecteur et d’éveiller sa curiosité. L’Encyclopédie stimule donc l’imagination et les planches qui la composent participent de cette ambition pédagogique.

Diderot, Discours sur la poésie dramatique (1758)

« Qu’est-ce que la beauté d’imitation ? La conformité de l’image avec la chose. »

Commentaire : Théoricien du drame bourgeois, Diderot dans ce discours incite le spectateur de théâtre à imaginer le quatrième mur, invisible, qui le séparerait de la scène.  Le décor consisterait à reproduire le plus exactement possible un intérieur. Dans cette citation, il rappelle la tradition esthétique de l’imitation, qui consiste à tenter de reproduire exactement le réel.

Diderot, Le Neveu de Rameau (1762)

LUI : « Je suis excellent pantomime comme vous allez en juger. » Puis il se mit à sourire, à contrefaire l’homme admirateur, l’homme suppliant, l’homme complaisant.

Commentaire : Dans ce dialogue entre « Moi », le philosophe, narrateur, et « LUI », le neveu de Jean-Philippe Rameau, esprit cynique, fantasque, les deux interlocuteurs en viennent à parler de la nature du génie ; il se livre ici à la pantomime, un jeu de représentation qui correspond à la mise en image de lui-même dans différentes postures de la vie quotidienne. C’est une manière de dénoncer la théâtralité et donc les faux-semblants des rapports sociaux.

Rousseau, Du contrat social (1762)

« Le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. »

Commentaire : Dans cet ouvrage de philosophie politique, Rousseau défend l’idée que chacun doit renoncer à ses droits particuliers et au droit du plus fort pour obtenir les droits garantis par la société. Cette aliénation de chaque sujet à l’Etat permet l’égalité. Pour faire comprendre ce paradoxe, l’auteur a recours à cette double comparaison familiale.

Voltaire, Le sottisier (1778)

« Si Dieu a fait l’homme à son image, nous le lui avons bien rendu. »

Commentaire : Philosophe des Lumières, Voltaire a dénoncé l’intolérance religieuse toute sa vie et condamne la foi aveugle au nom de la raison. Il prend à la lettre le texte de la Genèse pour dénoncer avec ironie l’image idéalisée de Dieu, en évoquant implicitement la noirceur de l’âme humaine.

Kant, Critique de la raison pure, « appendice 4 » (1781)

« Que l’imagination fasse nécessairement partie de la perception, c’est ce que nul psychologue n’avait encore bien vu. »

Commentaire : Kant adopte une position critique par rapport à l’empirisme de Hume. L’habitude ne peut suffire à expliquer les liaisons qui sont faites dans la diversité sensible. C’est un pouvoir synthétique de l’imagination qui permet la perception et intervient dans son processus. L’ordre qui ordonne la perception des phénomènes provient d’une activité de l’esprit, d’où l’appellation d’imagination transcendantale, qui s’exerce dans le temps et est rétensive.

Kant, Critique de la raison pure, « logique transcendantale » (1781)

« Le schème est un monogramme de l’imagination pure a priori à partir duquel et d’après lequel seulement les images sont possibles. »

Commentaire : Kant développe une théorie du schématisme, le schème étant une règle logique servant à procurer à un concept son image. Par exemple le concept de chien suit une règle qui permet à mon imagination de se former la figure d’un quadrupède. Cette règle assure une cohésion de la subjectivité et permet une connaissance fiable des phénomènes.

Kant, Critique de la faculté de juger (1790)

« Par l’expression Idée esthétique, j’entends cette représentation de l’imagination, qui donne beaucoup à penser, sans qu’aucune pensée déterminée, c’est-à-dire de concept puisse lui être adéquate. »

Commentaire : Kant, en tentant de cerner la spécificité de l’ouvre d’art, en vient à montrer que l’imagination se libère de la raison, et que l’image est source de « beaucoup » d’images qui échappent également à la pensée, à des concepts déterminés.  L’effort de l’artiste a permis cette réalisation.