XIXe-XXe siècle :
IMAGE ET SOCIÉTÉ
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L’époque contemporaine connaît la prolifération des images, qui deviennent un nouveau mode d’expression et de communication. La civilisation de l’image se déploie dès le XIXème siècle.
Afin de compléter les annales que vous pouvez consulter à tout moment depuis la rubrique SE PRÉPARER, nous vous proposons un recueil de citations qui complétera vos cours pour l’épreuve de culture générale sur le thème d’aimer.
Ce recueil de citations ne présume en rien des sujets du concours 2025 à venir.
Honoré de Balzac, César Birotteau (1837)
« Birotteau appela ce cosmétique «la Double pâte des Sultanes. (…) Il s’est retrouvé non sans peine, un exemplaire de ce prospectus (…) : Double pâte des Sultanes et eau carminative de César Birotteau, découverte merveilleuse approuvée par l’Institut de France. »
Commentaire : Dans ce roman sur le parfumeur Birotteau, Balzac montre le pouvoir de la publicité. L’image exerce un pouvoir sur les esprits grâce à la poésie des mots qui entretient l’illusion, comme le font les adjectifs dans cet extrait, avec un langage teinté d’orientalisme.
Ludwig Feuerbach, L’essence du Christianisme (1847)
« L’adoration du sacré dans l’image est adoration de l’image en tant que sacré. »
Commentaire : Feuerbach renverse la perspective chrétienne, en estimant que l’homme a créé Dieu à son image et non l’inverse. Ainsi l’espèce humaine est un Dieu pour l’homme. La raison humaine s’est aliénée dans une forme d’illusion religieuse, où l’homme éprouve le besoin de se faire une image de Dieu qu’il prend pour une vérité. D’où la sacralisation de l’image.
Gérard de Nerval, Aurélia ou le Rêve et la Vie (1855)
« Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu pousser sans frémir, les portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort. »
Commentaire : Cette nouvelle autobiographique de l’époque romantique est centrée sur la disparition de Jenny, qu’aimait Nerval et qui devient Aurélia. L’image de cette femme le hante jusqu’à lui procurer des hallucinations. C’est un témoignage de l’imagination délirante que procure le rêve, conçu comme un autre monde.
Baudelaire, Ecrits esthétiques, « Quelques caricaturistes français » (1857)
« Daumier a poussé son art très loin, il en a fait un art sérieux : c’est un grand caricaturiste. Pour l’apprécier dignement, il faut l’analyser au point de vue de l’artiste et au point de vue morale. »
Commentaire : Baudelaire, critique d’art, prend le caricaturiste politique Daumier, comme un exemple de l’art moderne. En effet, l’image a une double valeur, technique et morale. Elle se suffit à elle-même pour signifier et cette signification se devine instantanément.
Baudelaire, Mon coeur mis à nu (1864)
« Glorifier le culte des images, (ma grande, mon unique, ma primitive passion). »
Commentaire : Baudelaire, poète symboliste, confie dans ce journal à quel point il a été passionné par les images. Il honore en elle cette faculté de représenter l’intime, l’au-delà des apparences. Son admiration pour le peintre Eugène Delacroix vient de cette lecture subtile de l’œuvre d’art, de la douleur morale notamment qui s’y exprime. L’image est un guide qui amène le spectateur à saisir la vérité cachée des êtres.
Flaubert, Dictionnaire des idées reçues (posthume 1911)
« Orchestre : image de la société. Chacun a une image et y fait sa partie. »
Commentaire : Ce catalogue des opinions chic, paru à titre posthume, et rassemble des topoi (ou lieux communs). Cette citation consiste à donner une représentation métaphorique du système social, dans lequel chacun est intimement lié aux autres. L’image de chacun correspond au rôle qu’il joue à l’intérieur du système social et pour lequel il est reconnu.
Sigmund Freud, L’interprétation des rêves (1899)
« Le rêve « hallucine », remplace les pensées par des hallucinations. »
Commentaire : Freud examine les images mentales des rêves, en montrant qu’ils ne peuvent se réduire à des phénomènes purement mécaniques qui proviendraient de l’activité sensorielle. Ces hallucinations sont issues, en réalité, de la réactivation d’une expérience de satisfaction. L’image est donc liée à la satisfaction d’un désir, de la libido.
Carl Gustav Jung, Métamorphoses de l’âme et ses symboles (1912)
« L’énergie psychique, la libido, crée l’image de la divinité en utilisant des modèles archétypiques. »
Commentaire : Jung relie les images fondamentales à la notion d’inconscient collectif. Il parle d’archétypes, là où Freud parlait de « complexe », comme le fameux Complexe d’Œdipe. Jung ne donne pas d’explicaiton à cette création d’images, si ce n’est une disposition de l’esprit humain.
Sigmund Freud, Pour introduire le narcissisme (1914)
« Ce qu’il projette devant lui comme son idéal est le substitut du narcissisme perdu de son enfance ; en ce temps-là, il était à lui-même son propre idéal. »
Commentaire : Le mythe de Narcisse, amoureux de sa propre image, est repris par Freud, qui y voit le processus d’idéalisation de l’image de soi. La libido, au lieu de se porter sur un objet extérieur, reflue sur le « moi ».
Marcel Proust, Du côté de chez Swann (1917)
« Le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant. »
Commentaire : Le narrateur de cette autobiographie romancée se souvient de son enfance, mais il fait ici un constat pessimiste : la réminiscence de toutes ces scènes de vie, faite à partir d’impressions, d’images est troublante. En effet, l’impression fugitive qui revient à la mémoire s’accompagne de la conscience du temps qui a passé depuis. L’image du souvenir est aussi conscience de la fuite du temps.
André Malraux, La voie royale (1930)
« Celui qui se tue court après une image qu’il s’est forgée de lui-même : on ne se tue jamais que pour exister. »
Commentaire : Ce roman existentialiste décrit le défi humain que représente la survie dans la jungle. Le constat en est désabusé, et amène à envisager l’absurdité de l’existence humaine. Cette citation exprime bien le rapport difficile que l’homme peut avoir avec lui-même. La méconnaissance de soi la pousse à trouver le sens de la vie ou la réalité de son être dans une apparence, une image. Le geste du suicide est décrit ici comme une mise en scène de soi, que l’on peut rechercher pour combler un vide existentiel.
Bergson, La pensée et le mouvant (1934)
« L’image a du moins cet avantage qu’elle nous maintient dans le concret. »
Commentaire : Le philosophe Bergson reconnaît à l’image la capacité d’approcher l’absolu ; contrairement à notre langage abstrait. Pour lui, les images sont plus fécondes que les concepts de l’abstraction rationaliste. Elles ont un rôle important dans notre intuition immédiate de la vie.
Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1939)
« A l’époque de la reproductibilité technique, ce qui dépérit dans l’œuvre d’art, c’est son aura. »
Commentaire : L’auteur établit un constat : la reproduction technique en série change le rapport traditionnel que le public peut avoir avec une œuvre d’art unique. Il analyse ici les effets de la répétition infinie permise par la technique L’œuvre d’art y perd une forme d’authenticité, ce qui amène un nouveau regard sur l’œuvre désacralisée.
Jean-Paul Sartre, L’imagination (1940)
« L’image est une conscience. »
Commentaire : L’imagination est un acte qui a le pouvoir magique de faire apparaître un objet. Cette spontanéité fait de l’imagination la structure première de la conscience. Pour aller plus loin, nous pouvons dire que l’image est conscience de l’absence de l’objet, puisqu’elle le pose comme n’étant pas présent. C’est un acte de liberté.
Gaston Bachelard, L’air et les songes (1943)
« La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire. »
Commentaire : Bachelard reconnaît à l’image une richesse qui vient du pouvoir de l’imagination, qui peut déformer les images de la perception. L’image ne doit pas être réduite, intellectualisée, comme le fait Freud. Ce n’est pas un simple déplacement ou le résidu d’un vécu, mais une véritable force de poétisation.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)
« Mon corps a son monde ou comprend son monde sans avoir à passer par des représentations. »
Commentaire : Le philosophe propose une nouvelle conception du corps, en opposant l’image que je me fais de mon corps et le rapport de connivence que le corps a avec le monde, nourri de la synesthésie et des habitudes prises.
Jacques Lacan, Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je » (1949)
« Il suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification, (…) à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image. »
Commentaire : Pour Lacan, l’être humain a bien une image narcissique de lui-même. Néanmoins, il décentre la question du narcissisme : il ne s’agit plus de libido, mais du décalage qui s’opère entre la perception que l’enfant a de son corps et la capacité à l’interpréter psychiquement, puisqu’elle n’est pas encore complètement constituée.
Roland Barthes, Mythologies (1957)
« Ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même. »
Commentaire : Le mythe est un signe, une parole qui diffuse une certaine idéologie bourgeoise. L’image véhiculée par le mythe en est la garante. Voilà pourquoi elle devient réclamée par le public, quand il aspire à appartenir à cette culture bourgeoise. Il devient avide des images qui construisent cette vision du monde à laquelle il aspire.
Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie, (1960)
« L’image ne peut être étudiée que par l’image, en rêvant les images telles qu’elles s’assemblent dans la rêverie. »
Commentaire : Part féminine de l’homme, la rêverie garde pour Bachelard une part de conscience contrairement au rêve nocturne. Elle permet d’assembler des images en donnant libre cours à l’imagination créatrice. Les images de la perception sont déformées, renouvelées, chaque image en appelle une autre et s’inscrit dans une dynamique. C’est l’image qui peut expliquer l’image et non la raison scientifique.
Merleau-Ponty, L’oeil et l’esprit (1964)
« Le monde est fait de l’étoffe même du corps. »
Commentaire : Dans son essai, Merleau-Ponty part du corps pour étudier l’image. Le regard qui scrute le monde est un organe, une chair qui voit une autre chair. Il n’y a plus de séparation entre le sujet percevant et l’objet perçu. L’image s’associe à l’intériorité du sujet qui la regarde et y voit ce qui vient de lui. L’image dialogue avec le corps.
Prévert, Fatras (1966)
« La scène est une image du monde où jouent les spectateurs. »
Commentaire : Le poète montre dans ce recueil un sens aigu de l’image et de ses pouvoirs de séduction. Le théâtre est assimilé par cette métaphore à une représentation fictive du monde, ce qui reprend une tradition baroque. Shakespeare dans Comme il vous plaira écrivait déjà en 1599 : « Le monde entier est une scène, et les hommes et les femmes seulement des acteurs »
René Barjavel, La faim du tigre (1966)
« Dieu n’est que l’image de quelque chose, principe, force, idée, esprit, volonté que nous ne pouvons concevoir ni nommer. »
Commentaire : L’écrivain met en évidence la méconnaissance du concept de Dieu. La divinité chrétienne est représentée comme un absolu inaccessible, indicible, que diverses images peuvent seulement approcher, de manière hétéroclite, contradictoire et irrationnelle.
Jean Baudrillard, La société de consommation (1970)
« Chaque image, chaque annonce impose un consensus, celui de tous les individus virtuellement appelés à le déchiffrer, c’est-à-dire en décodant le message, à adhérer automatiquement au code dans lequel elle a été codée. »
Commentaire : Sociologue, Baudrillard analyse l’invasion des images et notamment l’impact du phénomène publicitaire. Il décrit ici le phénomène d’aliénation par le pouvoir de l’image. Celui-ci réside dans le langage qu’elle utilise et qui est commun à tous, qui suscite chez tous le même désir sans faire intervenir la moindre pensée critique.
Jean Baudrillard, Simulacre et simulation (1981)
« L’image n’est plus du tout de l’ordre de l’apparence, mais de la simulation. »
Commentaire : L’image est entrée au XXe siècle dans une nouvelle étape de son histoire. Autrefois l’image était discréditée comme une simple apparence, par opposition à la réalité. Aujourd’hui, elle ne cache pas, ne dissimule pas, mais simule. Cette simulation consiste à représenter une réalité de manière nouvelle originale, donc en s’écartant d’u modèle original. Elle acquiert ainsi une existence nouvelle, n’étant ni vraie ni fausse, mais indéterminée.
Louis Marin, Le Portrait du Roi (1981)
« Le roi n’est vraiment roi, c’est-à-dire monarque, que dans des images. »
Commentaire : L’auteur étudie dans cet essai l’image d’un point de vue politique. La représentation du pouvoir royal par le biais de l’image, du portrait a une fonction essentielle. Elle fascine les sujets car elle magnifie le pouvoir en montrant et en idéalisant le roi. Cette représentation consiste à rendre ainsi doublement présent le monarque.
Jacques Ellul, La Parole humiliée (1981)
« La viciation de la foi provient exclusivement de la visualisation de ce qui nous est donné à adorer, à prier, à croire sans rien voir. »
Commentaire : Philosophe désabusé par l’idôlâtrie technicienne du monde moderne, Jacques Ellul déplore l’invasion des images qui supplantent la parole. Elle se réduit à un bavardage, où rien n’est plus ni vrai, ni faux. La vénération des images, et des icônes religieuses détruit le sens du réel et l’engagement responsable.
Kundera, L’immortalité (1990)
« Le souci de sa propre image, voilà l’incorrigible immaturité de l’homme. »
Commentaire : L’écrivain tchèque dénonce dans son ouvrage la puissance de l’image dans la société, où elle supplante de plus en plus l’écrit. Il déplore dans ce passage pouvoir de l’ego et la place du narcissisme qui empêchent l’homme d’accéder à sa propre maturité. L’homme reste fondamentalement mineur, enfant. En effet, l’image lui permet d’accéder à l’immortalité, alors que l’autre composante de lui-même, le moi est mortelle. Le désir d’être immortel amène le culte de l’image et de la superficialité.
Jean-Pierre Vernant, Métis. Anthropologie des mondes grecs anciens, « Figuration et Image » (1990)
« L’eidôlon est une simple copie de l’apparence sensible, le décalque de ce qui s’offre à la vue ; L’eikôn est une transposition de l’essence. »
Commentaire : Grand helléniste, Vernant reprend dans cet extrait la distinction opérée par Suzanne Saïd entre les deux mots grecs désignant l’image. L’« eidolon » est la représentation qui s’offre aux sens, à la vue notamment, tandis que l’ « eikon » s’adresse à l’intelligence et a une valeur symbolique. Ces deux lignes de signification se développent depuis Homère.
Régis Debray, Vie et mort de l’image (2012)
« L’image ne se pense pas elle-même. »
Commentaire : Le philosophe retrace dans cet essai l’évolution de l’image et du regard que les hommes portent sur elle, au fil des révolutions techniques. L’image est définie ici comme irréductible à la pensée abstraite. Elle est toujours prise comme objet de pensée, objet concret, particulier et transitoire, ce qui lui donne un statut inférieur à celui de l’abstraction universalité. Son histoire en témoigne.
Stéphane Vial, L’Etre et l’écran (2013)
« Les dispositifs numériques toujours plus nombreux stimulent notre « attitude ludique ».
Commentaire : L’image est ludogène à plusieurs titres : par son attractivité, son pouvoir d’immersion de l’interactivité. Cette gamification de l’image ne se réduit pas au cadre du jeu-vidéo mais se manifeste aussi dans l’approche ludique que le spectateur tend à avoir pour toute forme d’image. D’où le choix de plus en plus répandu de proposer des formes ludiques.